Les surfaces agricoles présentant des carences en matière organique
- Session : 2017-2018
- Année : 2018
- N° : 286 (2017-2018) 1
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Question écrite du 19/02/2018
- de LEGASSE Dimitri
- à COLLIN René, Ministre de l’Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région
Le nouvel état des lieux de l’environnement wallon est sorti récemment et plusieurs constats sont interpellants.
Notamment en ce qui concerne les sols wallons. En effet, 22 % des surfaces agricoles présentent une carence en matière organique. C’est un diagnostic grave, car cette matière organique est essentielle à plusieurs égards : fertilité, biodiversité, structure des sols, circulation de l’eau, stockage de carbone et neutralisation de certains polluants.
C’est un chiffre qui est en augmentation et qui risque de devenir très problématique.
À l’heure actuelle, quelles conséquences ont ces 22 % de surfaces agricoles carencées ?
Quelles sont les causes de cette carence ?
Monsieur le Ministre confirme-t-il que la surface des sols carencés est en augmentation ?
Que compte-t-il faire pour inverser cette tendance ?
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Réponse du 13/02/2018
- de COLLIN René
La présence en quantité suffisante de matière organique (MO) dans les sols est essentielle pour des questions de fertilité (nutriments), de biodiversité (habitats, source d’énergie), de structure des sols (aération, résistance à l’érosion, à la battance, à la compaction), de circulation de l’eau (infiltration, rétention), de stockage de carbone (lutte contre les changements climatiques) et d’immobilisation/dégradation de certains polluants (effet filtre).
Or, des carences en MO sont effectivement observées dans les sols sous culture. C’est le cas en Wallonie comme partout en Europe où les sols ont été soumis à une agriculture intensive, notamment en raison d’apports de MO insuffisants et d’un travail du sol favorisant une baisse des stocks par minéralisation. Pour la période 2004 – 2014, 22 % de la superficie wallonne cultivée est constituée de sols dont les teneurs en MO sont inférieures à 2 %, seuil sous lequel les agrégats du sol deviennent instables. Ceci a des conséquences directes sur la structure des sols. Une mauvaise structure augmente le risque de perte en sol (battance puis érosion) et de compaction notamment.
Diverses mesures permettent d’améliorer la situation :
– la restitution de biomasse végétale au sol (résidus de cultures, engrais verts…) ;
– l’apport de MO via les effluents d’élevage, les boues de stations d’épuration ou d’autres matières (composts, digestats…) sous certaines conditions (de qualité des matières et de capacité des milieux récepteurs notamment) ;
– la généralisation de certaines pratiques agricoles (programmes agro-environnementaux…). Mais des défis restent à relever par exemple :
a) la gestion de la concurrence entre un retour de MO au sol (politique de protection des sols) et une valorisation de la biomasse à des fins énergétiques (politique énergétique) ;
b) l’augmentation des apports de MO au sol (politique de protection des sols) sans risque de pollution des eaux par le nitrate (respect du Programme de gestion durable de l’azote en agriculture, politique de protection des eaux) ;
c) le maintien de pratiques agricoles (politique de l’agriculture) et augmentation des stocks de carbone dans les sols pour lutter contre les changements climatiques (politique de l’air et du climat). Ces exemples montrent l’importance de mieux intégrer les politiques sectorielles existantes. L’encadrement agricole, via les centres pilotes, notamment, a un rôle crucial à jouer auprès des agriculteurs.L’amélioration des connaissances permet des avancées intéressantes. Le projet de recherche CARBIOSOL, mené actuellement par l’UCL et l’ULiège et financé par le SPW-DGO3, montre que l’analyse du carbone organique des sols en une fraction fine stable (carbone lié aux argiles et limons fins, fraction < 20 μm) et une fraction grossière labile (carbone présent dans la fraction > 20 μm) permet un diagnostic plus fin du statut organique des sols et de son évolution, sans nécessiter d’échantillonnages répétés dans le temps. Ce projet montre aussi que de nouvelles techniques de mesure par spectroscopie proche infra-rouge (SPIR) pourraient être utilisées en routine très prochainement dans les laboratoires d’analyse des sols agricoles pour la mesure de ces fractions. Ceci permettra aux agriculteurs concernés de prendre plus rapidement des mesures correctrices en cas de carence.