Les objectifs peu ambitieux de la Wallonie en matière de climat
- Session : 2017-2018
- Année : 2018
- N° : 212 (2017-2018) 1
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Question écrite du 27/03/2018
- de LEGASSE Dimitri
- à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l’Energie, du Climat et des Aéroports
Selon le dernier bulletin de la Commission, la Belgique est à la traîne en matière de réduction de pollution de l’air et d’émissions de gaz à effet de serre et il faudrait investir significativement dans le système énergétique et dans l’innovation.
L’objectif de 15 % de réduction des GEF en 2020 sera raté selon ces projections. La Belgique serait donc à classer parmi les pays les moins ambitieux sur le plan climatique et tant les Régions que le fédéral se seraient prononcés pour un objectif de 27 % de part du renouvelable dans la consommation d’énergie en 2030, contre les 35 % proposés par le Parlement européen.
Monsieur le Ministre confirme-t-il la position peu ambitieuse de la Wallonie sur les 27 % de part du renouvelable dans la consommation d’énergie en 2030, comme discuté lors de la coordination intrabelge ?
Que compte-t-il faire pour répondre aux critiques de la Commission européenne ?
Pense-t-il que la Belgique, avec les Régions, atteindra les objectifs fixés ?
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Réponse du 19/04/2018
- de CRUCKE Jean-Luc
L’objectif belge de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 15 % fait l’objet d’une répartition entre les différentes Entités, laquelle est inscrite dans l’Accord de coopération Burden-sharing. Dans ce cadre, l’objectif assigné à la Wallonie est de -14.7 % de réduction en 2020 par rapport à 2005.
Le bilan des émissions de gaz à effet de serre réalisé dans le cadre du Burden-sharing indique que la Wallonie présente un solde positif d’unités pour les 3 premières années de la période, de 2013 à 2015. La Région wallonne dispose ainsi d’un surplus de 5,5 millions de tonnes d’équivalent CO2. La soumission 2018, incluant les émissions de 2016, a été finalisée ce 15 mars 2018. Le bilan définitif de 2016 ne pourra cependant être établi que fin 2018, après vérification de l’inventaire d’émissions par la Commission européenne. Selon les données actuelles, la Wallonie présenterait un bonus de l’ordre de 660.000 t en 2016. Les projections actuelles correspondent donc à une diminution de -18,7 % en 2020 par rapport aux émissions de 2005. Cela veut donc dire que la Wallonie devrait respecter son objectif 2020 et même le surpasser.
Cependant, le nouvel objectif de réduction de la Belgique pour le secteur non-ETS de -35 % par rapport à 2005 en 2030 est particulièrement ambitieux. Cela nous oblige à mettre en œuvre sans tarder des politiques et mesures additionnelles qui sont actuellement en cours d’élaboration dans le cadre de la rédaction du nouveau PACE 2030, qui devrait être approuvé par le Gouvernement à la fin du mois de juin.
Quant à l’objectif en énergie renouvelable (RES) à l’horizon 2030, actuellement discuté en trilogue au niveau européen, se pose en effet la question du niveau d’ambition. Comme précisé par l’honorable membre, la Commission européenne a proposé 27 %. Cet objectif a été confirmé par le Conseil. Le Parlement par contre demande de monter celui-ci à 35 %.
Lors de la dernière position prise par la Belgique (le 12/02/18) sur le sujet, nous nous étions accordés pour dire : maintien actuel de 27 %, avec possibilité de révision en considérant des analyses économiques visant l’optimum au niveau européen.
Dans l’intervalle, la Commission a fait circuler le 2/3/18 un « Non paper on complementary economic modelling undertaken by DG ENER regarding different energy policy scenarios including updated renewable energy technology costs in the context of Council and Parliament discussions of the recast of the renewable energy directive and the revision of the energy efficiency directive ».
Ce document contient les résultats d’une mise à jour des analyses de modélisation réalisée pour la Commission en 2016, dans le cadre de l’Analyse d’Impact du CEP (Clean Energy for all Europeans Package).
Cette mise à jour comprend : 1/une révision des coûts des technologies renouvelables ; 2/l’impact d’un objectif renouvelable plus élevé (30 %, 33 %, 35 %, 45 %) couplé à des objectifs en Efficacité Energétique (EE) de 30 %, 33 %, 35 % et 40 %.
Quelques grandes lignes d’un scénario plus ambitieux (p/r à 27%RES) :
– Les pompes à chaleur augmentent significativement dans les scénarios plus ambitieux tant en RES qu’en EE (p/r au scénario de référence 27%RES/30%EE) ;
– Remarque identique pour la biomasse en chaleur (surtout via la cogénération en réseaux de chaleur) ;
– Augmentation également des biocarburants avancés (point d’attention, car les marges de progression sont limitées) ;
– La mobilité électrique n’augmente que légèrement par contre ;
– Concernant le coût, on peut observer que pour le scénario 30%RES, il est à peine supérieur que pour la référence (0,1 % d’augmentation) tout en générant un bénéfice additionnel en terme d’émissions de GES et de sécurité d’approvisionnement et en maintenant le coût final de l’électricité au même niveau. Les simulations macro-économiques démontrent un impact nul (p7) il parait, à mes yeux, raisonnable de viser au minimum l’objectif de 30%RES. Nous plaidons en ce sens pour une position belge ;
– Pour les autres scénarios (plus ambitieux que 30%RES/30%EE), le coût total du système augmentera ;
– Pour les scénarios au-delà de 33%RES/33%EE, l’impact sur le PIB et l’emploi est moins perceptible en raison de l’impact sur les autres secteurs d’activité aller au-delà de 33%RES ne parait pas opportun.En conclusion, nous soutenons un objectif de minimum 30 %, en restant ouvert à l’augmenter jusqu’à 33 % en fonction des analyses coût-bénéfice. Mais la position belge ne dépend pas que de nous, par conséquent nous ne pouvons officiellement aller au-delà de la position du Conseil (27 %) tant que la contribution pour la Belgique n’a pas été précisée.
Je continuerai à pousser pour un objectif équilibré entre pragmatisme et ambition. Je reste convaincu qu’il faut poser des jalons forts pour tendre aux objectifs 2050, conformément aux objectifs de l’Accord de Paris tout en contrôlant le coût de la transition.